Chère Toi,
Je prends un moment pour t’écrire, comme on prend parfois un peu de recul, sans regrets ni nostalgie, mais avec la certitude de ce que nous avons vécu, de ce qui a été et de ce qui est désormais. Nous avons partagé beaucoup, à travers la musique, à travers ces projets qui nous ont tenus ensemble, et c’est un chapitre qui a été important. Ce n’est pas un chapitre que j’efface, mais un chapitre que je laisse derrière moi avec la paix d’avoir vécu ce que nous avons vécu.
Je me rappelle de tous ces concerts ensemble, des répétitions parfois électriques, mais toujours animées par cette envie de créer, de partager, de nous transmettre quelque chose. C’était avec toi que j’ai enregistré mon album, et à travers la guitare, le chant, la composition et l’écriture, j’ai trouvé une inspiration unique dans ce que nous partagions. Nos conversations, ta façon de voir le monde, tes histoires personnelles, tes amours improbables, tes voyages solitaires, tout ça m’a profondément influencé. J’écrivais des paroles en écoutant ce que tu me disais, en m’imprégnant de ton regard sur le monde. C’était précieux.
Et puis, il y a eu cette aventure entre nous, brève mais marquante. Il est vrai que j’en pinçais un peu pour toi, mais j’ai rapidement compris que ce n’était pas la direction qu’il fallait prendre. Je ne regrette rien, car tout était en place pour que notre amitié, cette complicité rare, continue à exister sans se perdre dans des chemins plus complexes. C’était un choix, et il me paraît aujourd’hui évident que c’était le bon. J’ai toujours cru que ce qui nous unissait allait au-delà de ces petites interférences, que ce lien particulier méritait d’être préservé.
Ensuite, il y a eu Lui, le batteur du groupe. Je l’ai vu t’impressionner au début, par son expérience et ses relations musicales. Mais les choses ont rapidement pris une autre tournure avec lui. Son tempérament colérique a changé l’ambiance, c’est sûr. Ça a créé des tensions dans nos répétitions, ça a compliqué les projets, mais nous avons pris sur nous pour avancer, comme toujours, pour que la musique soit plus forte que tout ça. Ça m’a appris beaucoup, tout comme nos discussions sur la musique, sur les bassistes féminines, sur l’avenir du monde. Tu t’intéressais toujours à de nouvelles choses, tu avais cette curiosité, cette intelligence, cette ouverture qui me stimulait.
Puis, bien sûr, il y a eu ces événements de 2020 qui ont marqué un tournant. Nous avons partagé une vision assez similaire, une inquiétude face à la situation, une remise en question des narratifs officiels, de ce qui était imposé comme vérité. Mais comme tu le sais, certains ont choisi de s’aligner sur une version unique, sur une vision bien précise. Et puis, il y a eu cette discussion avec [Lettre à un ami], et cette explosion de colère. Nous avons pris des chemins différents à ce moment-là, et j’ai vu que ça a créé une rupture.
Quand j'ai eu vent de ce que l'on racontait à mon sujet, j’ai compris que 2020 avait tout emporté, rien ne serait plus comme avant. J'avoue que j'étais surpris, je l'ai ressenti comme une trahison. Je gardais le silence parce que selon moi rien ne justifiait de dire quoi que ce soit. Encore moins de calomnier. C'est l'arme du faible et cela ne m'a jamais traversé l'esprit. J'étais triste, un point c'est tout.
Aujourd'hui, tout le monde se dérobe en prétendant que ce que je "pense" est inadmissible. C'est sans doute plus commode. On ne s'expose pas, ni ne se justifie.
Pour ma part, je ne vois pas de raison de revenir en arrière. Toi et moi nous étions d’accord sur beaucoup de choses, et nos divergences n’ont pas remis en cause notre amitié. Je l'ai pensé. Tu as fait un choix, celui de ne pas prendre position, de ne pas te montrer, et j’ai respecté cela. J'aurais peut-être dû m'en inspirer, bien que j'ignorais qu'on ne pouvait pas parler librement. Ce qui est fait , est fait. Tu as choisi de préserver ce qui restait de ta tranquillité, de ta place dans le groupe. Ça ne m’a pas empêché de continuer mon chemin de mon côté.
Aujourd’hui, je ne vous voit plus, vous vous êtes tous alignés, et c’est tout. Certain par conviction, d'autres se taisent. Pourquoi ? Une question de souveraineté je pense. 2020 a mis beaucoup de choses à jour, et je n’ai pas envie de revenir sur les colères et les malentendus. Le sujet me passionne, j'aime y réfléchir, cependant j’ai changé de direction, et je me suis tourné vers de nouveaux projets, de nouvelles rencontres. Cela me nourrit tout autant. Certaines ambiances me manquent parfois, mais je suis épanoui, serein, et je me sens bien dans ce que je fais. Je ne sais pas où vous en êtes tous, mais j’espère sincèrement que vous avez trouvé votre propre épanouissement.
Nos souvenirs, tout ce que nous avons partagé, restent intacts. Je n’ai aucune amertume, ni regret. J'ai du apprendre à le faire. J’avance, sans regarder en arrière, mais sans oublier ce qui fut. Je me permets juste de ne pas mentir, et aussi d'espérer que [Lettre à un ami] revoit un peu sa copie. Je te souhaite de tout cœur le meilleur, et j’espère que tu trouves ce que tu cherches, où que tu sois, dans tes projets, tes amours, tes voyages.
À bientôt, peut-être, mais sans pression, même pour me dire ce que tu n'oses pas me dire, juste avec la certitude que ce qui a été a été, et c’était bien.
Carl Os