Mon cher Ami,
Je t'écris aujourd’hui avec un cœur lourd, mais aussi une profonde volonté de rétablir ce qui a été brisé. Je me permets d’ouvrir cette porte, car, malgré les mois passés, tu restes mon ami, et je crois que c’est un lien qui mérite encore une chance, même après tout ce qui a été dit, entendu et ressenti.
Je n'ai jamais souhaité que nos divergences d’opinions nous éloignent. Lorsque nous avons traversé cette période de crise, je me suis retrouvé dans une situation où, pour la première fois, je n’ai pas pu adhérer à ce qui semblait devenir un consensus général. Je n’ai pas voulu suivre un discours officiel qui, à mes yeux, n’était ni complet ni nuancé. Bien m'en a pris, mes réserves étaient justifiées. Je comprends que cela t’ait heurté, que cela ait provoqué en toi une colère, un malaise. Mais ce jour-là, lors du souper, je suis resté sans voix, surpris par l’intensité de ta réaction. Je crois qu’il y a eu un malentendu, une incompréhension de part et d’autre.
C’est avec tristesse que j’ai appris que tu me dépeignais sous un jour que je trouve injustifié, et pire encore, que certains, nos amis communs, reprennent ce portrait. Je reste étonné par cette situation, car de mon côté, je suis resté muet, respectueux de ton point de vue, même si je ne le partageais pas. Je n’ai jamais cherché à alimenter de rumeurs ni à colporter des informations erronées à ton sujet. Au contraire, j’ai toujours espéré que, face à nos divergences, le respect et la possibilité de dialogue prévaudraient. Malheureusement, cela n’a pas été le cas, et aujourd’hui, je me retrouve à être l’objet de calomnies, souvent empreintes de peur et de mépris. C'est comme si une tranche de ma vie disparaissait d'un trait de gomme. Entre la tienne, la mienne et celle des autres, la Vérité, la vraie, n'y est pour rien.
Je comprends que, pour toi, mes idées puissent paraître absurdes ou même menaçantes, et je ne m’étonne pas de ta réaction face à ce que tu considères comme une atteinte à ton intégrité, ou à la bonne pensée. J'ai aussi bien compris que tes conclusions, "preuves" à l'appui, arrangeaient ton discours. Cependant, elles restent ce qu'elles sont, des conclusions. Pas LA vérité. C'est aussi un peu simpliste de dire que si une idée contredit la tienne, c'est qu'elle est fausse et qu'on croit n'importe quoi. Aujourd'hui on sait que ce n'était pas le cas. Cela me place dans une position plus confortable que toi, et que ceux qui ont surréagis. Voila pourquoi nous ne nous reverrons probablement jamais. A moins que... Cette lettre est un premier pas : Si on se parlait ?
Il faut donc que tu saches que ce n’est pas par naïveté ou par appartenance à une quelconque idéologie obscure que j’ai réagi. C’est parce que je crois fermement que la vérité ne se trouve pas dans un seul camp, dans une seule vision, mais dans la capacité d’ouvrir son esprit, calmement, et de se questionner sur le monde qui nous entoure. Sur tous les sujets, même ceux qui semblent inacceptables. La, s'expriment l'humilité, le respect, le dialogue et non le mépris et la médisance. Qui serais-je de dire, j'ai raison, donc je hurle et je calomnie? Si je suis resté sans cris, c’était avec cette conviction, et donc avec une certaine humilité. La mienne, comme la tienne, peut être mise en doute. C’est ce qui fait de nous des êtres humains.
Le monde reste divisé, on ne se voit plus, ou on ose plus se parler, mais le vent a tourné, hier, le camp de la pensée juste condamnait bruyamment toute vision différente de la sienne, aujourd'hui, il grogne dans sa niche, peut-être pour avoir surréagi. Par Honte ? Déni ? Avait-il à ce point raison ? Si tu savais comme je m'en moque. C'est ta réaction qui m'a touché.
Ce n’est pas d’avoir raison qui importe. Ce qui compte, c’est la manière dont nous affrontons nos divergences et nos émotions, celles qui sont si difficiles à supporter. C’est dans ces moments-là qu'on exprime sa souveraineté, que se joue la véritable grandeur d’âme. Je misais sur la tienne et j’aurais aimé que nous ayons pu en discuter. J’aurais aimé que tu aies laissé une place au dialogue, que tu aies cherché à comprendre pourquoi je pense ce que je pense, plutôt que de m’imposer comme une menace.
Nous sommes nombreux à agir sous l’emprise de ce qui nous est dit, sans jamais prendre le temps de questionner ce que pourrait dissimuler les discours dominants. À te lire, à t’entendre, à écouter ce que tu racontes à mon sujet, je vois que tu es tombé dans ce piège. Tu reproduis ce mécanisme de projection, cet inversement accusatoire, où ce que tu dis de moi révèle plus de choses sur toi-même que sur moi. J’espère qu’un jour tu pourras, par humilité, comprendre ce mécanisme et y voir ce qui est en jeu. C'est en tout cas ce que je m'efforce de faire de mon côté. Bien conscient que je commets des erreurs.
Hier, je discutais avec un ami commun, que tu as également rejeté. Pour sa tranquillité, je ne le nomme pas. Il était comme traumatisé, après ces quelques années, et prenait toujours garde de ne pas être entendu. C'est donc ça le monde dans lequel nous sommes, et que tu défends ? Vraiment ? La liberté d'expression, le contrôle, la délation, le mépris, la censure, cela ne rappelle rien ? [ Si On Se Parlait ? ]
Je te souhaite de pouvoir un jour revenir sur tout cela, non pas pour se justifier, mais pour comprendre ce qui nous divise et, à travers ce processus, retrouver ce qui nous unit.
Je ne suis pas en colère contre toi. Je n'ai jamais voulu te heurter, et j’espère seulement qu’un jour, tu verras les choses autrement, et qu’il sera possible de reconstruire, lentement mais sûrement, ce que nous avons perdu. Tu restes mon ami, malgré tout. Et c’est un ami qui, je l’espère, saura un jour regarder en face ce qu’il a rejeté.
Bref, cette situation est à ce point absurde, que je ne peux me résoudre à oublier notre amitié, et sans doute quelques meilleurs moments de mon existence !
Bien à toi,
Camillo