c’est le cœur populaire de Bruxelles, un quartier qui sent la gueuze et le pavé mouillé. Là, entre les fresques de Tintin et les estaminets où l’on parle Brusseleir, trône la Place du Jeu de Balle, QG de la brocante quotidienne depuis 1873. Ce marché aux puces, c’est un souk à la belge : 300 étals débordant de vinyles d’Adamo, de lampes Art Déco et de bibelots douteux. On y trouve aussi des caricoles, ces petits escargots de mer, vendus par des mamies dans des cornets, une spécialité locale qui fleure bon la nostalgie.
L’ambiance ? Un capharnaüm où les vendeurs, mi-comédiens mi-poètes, vantent leurs trésors : « Ce miroir, p’tit, il a vu Napoléon ! » Les chineurs fouillent, espérant une perle rare, comme ce lustre du XIXe siècle déniché par un touriste ému. Les anecdotes fusent : l’Oncle Marcel, qui vend des cartes postales en jurant qu’elles portent chance, ou cette vieille dame convaincue que son vase vient d’un château. Le Brusseleir colore tout : on « palabre » pour marchander, on lance un « Ça va, mon zinneke ? » pour saluer, et un objet bradé est « donné pour une poignée de moules ».
Les Marolles, c’est aussi une histoire de résistance. En 1969, les habitants ont bloqué les bulldozers lors de la « Bataille des Marolles ». Sous la place, un bunker de 1942, sauvé en 2018, rappelle ce passé frondeur. Mais c’est la brocante qui fait battre le quartier. Les anciens soupirent : « Avant, on trouvait des antiquités, pas du bric-à-brac. » Pourtant, l’âme reste. À La Brocante, le café mythique, on rit fort, on chante Brel, et les caricoles se grignotent entre deux blagues.
Passez donc chiner sur la Place du Jeu de Balle. Laissez un vendeur vous embobiner, goûtez une caricole, et repartez avec un bout du vieux Bruxelles. Comme on dit ici : « Tout s’vend, sauf l’âme des Marolles ! »
Et puis qui sait ! Vous croiserez peut-être la petite rêveuse !
Allez Fieu !
Carl Os